Au hasard des oiseaux*
« Nous sommes attachés aux oiseaux, depuis longtemps et par des liens de toutes sortes : par l’émerveillement, la curiosité, la chasse, les rites… Par la langue aussi, car la virtuosité des oiseaux et leur façon d’enchanter les paysages posent aux hommes la question de leurs propres langages, de ce que leur parole à eux sait déposer de bien dans le monde. L’histoire de la poésie est d’ailleurs en grande partie consacrée à dire et entretenir ces attachements. »
Marielle Macé
Alors que les oiseaux ont toujours été présents, dans nos oreilles et sous nos yeux, dans les campagnes et dans les villes, force est de constater que depuis plusieurs années, ils se font rares. Les événements récents, qui ont profondément bousculé le monde, ont eu pour conséquence de leur redonner une place dans le paysage, accusant par la même leur progressive disparition. Symbole de liberté, d’une circulation qui s’affranchit des frontières, des géographies, des pouvoirs et des Hommes, ils sont également devenu les sentinelles d’une nature en péril qu’il est urgent de préserver et de protéger, en témoignent les alertes sur les extinctions imminentes de certaines des 11 000 espèces répertoriées et leurs millions d’individus.
Considérer les oiseaux nous incite à repenser notre rapport au vivant mais aussi à l’autre. A la fois proches et lointains, ils nous sont aussi étrangers que familiers. Nous cohabitons sur un même territoire, nous partageons une même terre et un même ciel mais nous ne parlons pas le même langage. Nous les observons et les écoutons pour tenter de les comprendre. Inutile d’être spécialiste pour apprécier leurs chants ou contempler leurs nuées migratoires. Ils nous enthousiasment, notre attachement est profond. Peut-être la réciproque est-elle juste ?
Objets de mythes et de légendes, de rites et de mystères, tour à tour proies ou compagnons, les oiseaux, dans leur singularité et leur diversité, attisent la curiosité et imprègnent nos imaginaires collectifs depuis des millénaires. De fait, ils ont toujours été sujet d’émerveillement et de fascination pour les créateurs et penseurs du monde entier, artistes, poètes, conteurs, écrivains, philosophes, cinéastes, musiciens, architectes, etc.
Parce qu’ils continuent d’être aujourd’hui encore une source d’inspiration, l’édition 2023 de la Biennale d’art contemporain de Saint Paul de Vence est dédiée aux oiseaux, de tous bords et de tous horizons. Quelques douze artistes d’origines et de générations différentes explorent ces figures ailées selon une approche personnelle et une pluralité de médiums -sculpture, installation, son, tapisserie, vidéo-. Ces œuvres, existantes ou produites pour l’occasion, se déploient dans l’espace public, à même les rues de ce village historique où le temps d’un été, remparts -Alex Ayed, Xavier Veilhan-, clocher -Tadashi Kawamata-, places -Jean-Marie Appriou, Katia Kameli, John Cornu, Caroline Mesquita-, chapelle -Giulia Andreani-, rond-point -Anna Hulačová- arbres -James Webb, Tadashi Kawamata- ou encore macadam -Petrit Halilaj- deviennent les perchoirs temporaires de la présence poétique et fantasmée de ces messagers artistiques. A l’abri, Diana Thater investit l’Espace Verdet avec une installation immersive. Un parcours à ciel ouvert conçu à la fois comme une invitation à la déambulation, à la rêverie, à l’émerveillement et à une prise de conscience pour ressentir le monde.
Empruntant à la prose de Jacques Prévert – amoureux des oiseaux et de Saint-Paul – le titre choisi pour cette biennale – «Au hasard des oiseaux» – souligne l’attachement à cette dimension d’inconnu et d’aléatoire nécessaire à toute aventure digne de ce nom.
Ludovic Delalande et Claire Staebler
Commissaires artistiques
* Au hasard des oiseaux – Jacques Prévert – Paroles – © Éditions GALLIMARD
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