Édition 2018
Henk Visch
né à Eindhoven (Pays-Bas) en 1950. Vit et travaille à Eindhoven et Berlin.
Lorsque Henk Visch se met à la sculpture, dans les années 1980, ses créations se situent dans l’esprit de ses dessins et dans l’air du temps. Son intérêt pour la figuration anthropomorphique, l’utilisation de la couleur et son choix de matériaux traditionnels comme le bois et le bronze coïncident avec le climat post-moderne de l’époque. Depuis, il alterne entre figuration et abstraction mais il a préservé cette appétence pour la figure humaine. Pour Henk Visch, le corps n’est pas le réceptacle d’une quelconque identité de l’homme ; il vit, grandit, souffre, se marque, absorbe. Il évolue. Les figures en bronze qu’il réalise ont des poses marquées, des membres allongés ou pas de membre du tout, des positions maniéristes, voire serpentines. C’est une sculpture expressive, malgré la sobriété du traitement des visages généralement contemplatifs, grâce à ces positions exagérées qui incarnent tour à tour l’affection ou l’acceptation, la souffrance ou la détresse, la curiosité… Pour ses expositions, Henk Visch crée fréquemment de vastes dispositifs où le choix des sculptures et leurs positions ouvrent la voie à de multiples narrations. Il est aussi l’auteur d’une soixantaine de sculptures installées dans l’espace urbain.
L’œuvre Du livre du Matin fait partie d’une longue série d’œuvres dans lesquelles le corps constitue la source vivante d’un écheveau inextricable de sensations et d’émotions qui s’expriment à travers le changement de position du corps. À New York, j’ai créé Manhattan (1982) et à Fontevraud, j’ai créé Where do we meet? (1984), puis ont suivi certaines œuvres qui portent le titre de Lonely feelings on landing, toutes des exemples du corps en tant qu’image du territoire personnel d’expériences qui, au moment de se mouvoir, se situe précisément à la frontière de l’immobilité et du mouvement, entre la vie intime, privée et la vie publique, anonyme.
Le corps est personnel, il est un ami précieux où les souvenirs festoient, mais il est aussi universel, une forme commune, un bien collectif, dont le caractère reconnaissable et familier appartient à un programme sociopolitique.
Le pouvoir de l’image est grand et je ne suis pas étonné de la charge politique de mon œuvre. Certainement à présent que je peux porter un regard rétrospectif sur une œuvre étendue réalisée en 35 ans, j’observe que ma fascination pour le conflit et la répugnance des identités culturelles, idéologiques, stéréotypes ne s’inscrivent pas tant dans un cadre psychologique (personnel), mais résident dans un large lien social et politique. Autrement dit, la démarcation entre l’existence privée, individuelle et la vie publique n’a pas beaucoup de pertinence dans mon œuvre, elles s’y chevauchent plutôt. Je suis un artiste, un sculpteur, qui travaille dans l’espace et sur le plan de l’image et de la représentation, je vois un lien direct avec la réalité ; chaque sculpture témoigne de sa participation au monde, d’appartenance à une communauté et du partage d’une langue, sans interventions théoriques. Je tente d’éviter toute forme didactique ou pontifiante.
Wole Soyinka, l’écrivain et poète nigérian, dit à propos de l’engagement de l’artiste, que «même le résultat le plus obscur d’une réflexion personnelle est un hommage à la vie».
Du livre du matin, 2018
Bronze
H 210 cm
Courtesy de l’artiste